“Butterflies and dead leaves: A Biosemiotic Approach to Nabokov’s Theory of Mimicry,” based on VN Alexander’s lecture at “Living Matter / Literary Forms”, organized at the Sorbonne Nouvelle in April 2013 by Liliane Campos, Yasna Bozhkova and Pierre-Louis Patoine. Text translated by Pierre–Louis Patoine.
Vladimir Nabokov n’a pas publié que des romans. On compte aussi à son actif plusieurs articles à propos des papillons, publiés par des journaux scientifiques. Au cours des années 1940, Nabokov est conservateur pour la section sur les papillons du Musée de zoologie comparée de l’université Harvard, et il développe une théorie – que peu prennent au sérieux à l’époque – à propos d’un groupe de papillons connu sous le nom d’Argus (Blues). Il croyait en effet que ceux‑ci avaient migré d’Europe aux Amériques via le détroit de Béring, en vagues successives, sur une période d’une dizaine de millions d’années. Cette théorie se révélera étonnamment juste, comme le démontrent en 2011 Roger Vila et son équipe, grâce au séquençage génétique. C’est cependant sans accès à l’information génétique que Nabokov formule son hypothèse. Il observe simplement le résultat de l’action des gènes et les variations structurelles différenciant un spécimen d’un autre. Ces observations lui donnent une compréhension intuitive de ce qui se passe au niveau des nucléotides (éléments de base de l’ADN), comme s’il avait pu visualiser l’image animée du développement de l’organisme et de l’évolution de l’espèce. Nabokov : une imagination magistrale, nourrie par une observation intensive. Nabokov comprenait bien les processus créatifs, le travail de cet « autre V. N., la visible nature ». Se reconnaissant dans la nature, et la reconnaissant en More…